Séminaire équipe MEPS « Socialisations plurielles » 2e journée : vendredi 21 mars 2014

Des socialisations dans l’enseignement supérieur

Date :Vendredi 21 mars 2014
Lieu :Salle du Conseil, IUT Lumière Lyon 2 Campus de Bron

Une des questions posées par l’analyse de la socialisation est celle de l’articulation des différents processus de socialisation auxquels les individus participent, tout au long de leur existence. P. Berger et T. Luckman signalent ainsi comme un problème « fondamental » de la socialisation secondaire qu’elle « présuppose toujours un processus antérieur de socialisation primaire. C’est-à-dire qu’elle doit traiter avec un moi déjà formé et avec un monde déjà intériorisé » (1986, p. 191-192). Le problème à examiner est donc celui de la « consistance entre les intériorisations originales et les nouvelles » (ibid., p. 192).
Le séminaire du MEPS propose précisément de s’intéresser à cette question de la consistance des socialisations plurielles des individus, ou pour le dire autrement aux manières dont se composent les différents processus de socialisation. La pluralité des processus de socialisation renvoie aussi bien à leur succession temporelle (socialisation primaire/secondaire) qu’aux différents mondes sociaux dans lesquels ils se déroulent (socialisation résidentielle/professionnelle/étudiante). L’objectif est d’identifier comment ces processus se déroulent et s’articulent concrètement, s’ils se renforcent les uns les autres, se distinguent ou se contredisent, mais également ce qu’ils produisent. Cette attention aux effets différenciés des processus de socialisation pourrait ainsi contribuer à un questionnement sur les poids respectifs des différentes socialisations.

Programme de la journée du vendredi 21 mars 2014 : des socialisations dans l’enseignement supérieur

Lieu : Salle du Conseil, IUT Lumière
Cette journée est co-organisée avec le Pôle RTI (Recherches Technologie Transfert de l’IUT Lumière)

9h30 – 12h30 :
Muriel DARMON, directrice de recherche au CNRS, CESSP (EHESS-Paris I)
Passé, présent et futur : conjuguer les temps de la socialisation en classes préparatoires.

Cédric HUGRÉE, Chargé de Recherches au CNRS, Équipe CSU du Cresppa (CNRS/Paris 8 Vincennes Saint-Denis)
De bons élèves ? Comment les enfants des classes populaires décrochent une licence à l’Université

14h-17h :
Sophie ORANGE, Maître de Conférences UFR de Sociologie, Université de Nantes, membre du CENS
Contenir ses aspirations sociales : la fabrique des intermédiaires en BTS

Stéphanie TRALONGO, Maître de Conférences, Centre Max Weber, équipe MEPS
La socialisation professionnelle des enseignants et enseignants-chercheurs à la « professionnalisation » des étudiants

Résumé des interventions

Muriel DARMON, directrice de recherche au CNRS, CESSP (EHESS-Paris I)
Passé, présent et futur : conjuguer les temps de la socialisation en classes préparatoires.

A partir d’une enquête de terrain par observation et entretiens dans les classes préparatoires scientifiques et économiques d’un grand lycée de province, je chercherai à montrer comment s’articulent trois temps des processus de socialisation qui s’y déroulent. En prenant pour pivot le présent de la socialisation « en train de se faire » en classes préparatoires, j’examinerai comment les processus se diffractent en fonction des socialisations antérieures (par exemple dans le cas des apprentissages temporels, qui rencontrent des rapports au temps déjà intériorisés et différents) mais aussi comment ils comportent des dimensions anticipatrices qui font exister le futur des socialisations professionnelles des élèves dans le présent de leur socialisation scolaire.
Quelques références :
M. Darmon, Classes préparatoires, La fabrique d’une jeunesse dominante, Paris, La Découverte, 2013

Cédric HUGRÉE, Chargé de Recherches au CNRS, Équipe CSU du Cresppa (CNRS/Paris 8 Vincennes Saint-Denis)
De bons élèves ? Comment les enfants des classes populaires décrochent une licence à l’Université

Cette communication propose d’étudier les déterminants scolaires et sociaux des parcours d’études supérieures des étudiants d’origine populaire dans l’université postérieure à la seconde explosion scolaire. L’articulation d’une enquête ethnographique menée auprès d’étudiants nantais et d’exploitations secondaires de plusieurs enquêtes de la statistique publique (notamment le Panel de suivi des élèves entré.e.s en 6è en 1995) est l’occasion de renouveler la connaissance des rapports sociaux entre les classes populaires et les études supérieures. L’enjeu est ici de réaliser un « pas-de-côté » face à une double construction de l’objet :
  qui oppose d’un côté « la jeunesse étudiante » à la « jeunesse des cités » ;
  ou qui explique, d’un autre côté, l’accès des bacheliers populaires aux formations supérieures par le schème « sur-sélection » scolaire versus « sous-sélection » scolaire.
Ces recherches font l’économie d’analyser en détail les parcours scolaires et sociaux des étudiants issus des milieux populaires qui sortent de l’université en étant titulaires d’une licence et parfois d’un master et leurs effets subjectifs, tant du point de vue des aspirations scolaires que des dispositions au travail universitaire/disciplinaire. L’analyse de cette population et de ses parcours demeure pourtant incontournable à plusieurs points de vue.
Ces étudiants incarnent, tout d’abord, la destinée modale des parcours populaires d’études supérieures. À ce titre, ils permettent de penser les modalités de la construction de parcours scolaires honorables, qui ne peuvent se confondre avec ceux des étudiants en échec dans les premiers moments de leurs études supérieures, ni même avec les parcours dits « d’excellence scolaire » en milieu populaire.
Ensuite, parce qu’issus des fractions supérieures des classes populaires et pour certains des frontières entre classes populaires et classes moyennes, ils révèlent les effets de la forte différenciation sociale interne à ces milieux sociaux en matière d’appropriation de l’enjeu scolaire.
Les parcours de ces étudiants permettent enfin de penser les conditions scolaires et sociales des parcours ascensionnels dans les milieux populaires qui n’ont rien de l’épopée du transfuge de classe mais qui s’apparentent, objectivement et subjectivement, à des mobilités sociales « raisonnables ».
Quelques références :
C. Hugrée, « Aux frontières du "petit" salariat public et de son encadrement : de nouveaux usages des concours ? » Travail et emploi, n° 127, - p. 67-82
C. Hugrée, « Le Capes ou rien ? Parcours scolaires, aspirations sociales et insertions professionnelles du "haut" des enfants de la démocratisation scolaire », dossier : Les classes populaires dans l’enseignement supérieur. Politiques, stratégies, inégalités, Actes de la recherche en sciences sociales, n°183, 2010 - p. 72-85
C. Hugrée, « Les classes populaires et l’université : la licence... et après ? », Revue Française de Pédagogie, n°167, 2009 - p. 47-58

Sophie ORANGE (Maître de Conférences UFR de Sociologie, Université de Nantes, membre du CENS)
Contenir ses aspirations sociales : la fabrique des intermédiaires en BTS

Si les STS se posent comme des institutions d’accueil des intermédiaires de l’espace scolaire (bacheliers technologiques et bacheliers professionnels), elles constituent également des instances de formation et de production d’un grand nombre d’intermédiaires de l’espace professionnel. Tout comme elles recrutent des candidats « moyens », elles produisent des diplômés « moyens », ni peu qualifiés, ni très qualifiés. Les STS fonctionnent ainsi comme des instances de canalisation et de différenciation des aspirations professionnelles en ce qu’elles contribuent à ajuster les exigences des étudiants au type d’emploi qui les attend. Les savoirs scolaires transmis, les injonctions professorales à la modestie ou encore la confrontation avec les exigences du marché du travail par le biais des stages vont fonctionner comme autant d’éléments de renforcement du sens des limites.
Quelques références :
S. Orange, L’autre enseignement supérieur. Les BTS et la gestion des aspirations scolaires, Paris, PUF, coll. Education & Société, 2013.
S. Orange, « Interroger le choix des études supérieures. Les leçons d’un "raté" d’enquête », Genèses, n°89, 2012, p. 112-127.
S. Orange, « Le choix du BTS. Entre construction et encadrement des aspirations des bacheliers d’origine populaire », Actes de la recherche en sciences sociales, n°183, Juin 2010, p. 32-47.

Stéphanie TRALONGO, (Maître de Conférences, Centre Max Weber, équipe MEPS)
La socialisation professionnelle des enseignants et enseignants-chercheurs à la « professionnalisation » des étudiants

Si la dimension « professionnalisante » des formations en Institut Universitaire de Technologie semble relever d’une évidence, cela ne signifie pas qu’elle corresponde à une définition et des pratiques partagées par tous les acteurs directement impliqués. Définir les finalités et les modalités concrètes de mise en œuvre ne va pas de soi et renvoie bien au contraire à un travail institutionnel pas toujours perçu comme tel. Celui-ci va consister à organiser d’une part les formations et curricula, d’autre part les conditions d’une acculturation des enseignants et enseignants-chercheurs à des activités, pratiques, techniques dénotant plus ou moins fortement avec leur culture professionnelle. En s’appuyant sur les premiers résultats d’une recherche en cours menée de façon monographique sur un IUT, il s’agira dans cette communication de mettre au jour ce travail et ses effets.

Publié le 28 février 2014