Chercheur.e.s, enseignant.e.s-chercheur.e.s
Professeur des universités, Lyon 2
Équipe Dynamiques sociales et politiques de la vie privée
Formation et parcours professionnel
Diplômé de Sciences Po Paris en 1984, docteur en sociologie (thèse de 3e cycle sous la direction de Henri Mendras obtenue à Sciences Po Paris en 1988), j’ai débuté ma carrière universitaire comme maître de conférence à l’Université René-Descartes Paris 5 en 1991. En 2003, je suis devenu professeur des universités à l’Université Lumière Lyon 2 après avoir obtenu mon HDR en décembre 2001 à l’Université René-Descartes Paris 5.
De janvier 2011 à décembre 2014, j’ai dirigé le Centre Max Weber après avoir été, au cours de l’année 2010, directeur adjoint du MODYS l’un des trois laboratoires dont la fusion a rendu possible la création de Centre Max Weber en janvier 2011.
Itinéraire intellectuel et activités de recherche
Mes recherches actuelles se développent principalement dans trois domaines qui se recouvrent en partie.
– Nouvelles techniques de reproduction et parenté.
Dans les sociétés euraméricaines, le développement des nouvelles techniques de reproduction (NTR) interroge le modèle de parenté fondé sur la bilatéralité exclusive (chaque individu ne peut avoir qu’un seul père et une seule mère, d’une génération ascendante et de sexe différent) et sur l’idée que la parenté doit être au plus près de la nature. Mes travaux montrent qu’avec les NTR la parenté « entre en politique ». Nous vivons la fin d’une fiction naturaliste pour laquelle les questions « qu’est-ce qu’un parent ? », « qu’est-ce qu’engendrer un enfant ? », « qui est parent de qui ? » renvoient à l’évidence de la nature. Le regard sur la parenté est en train de basculer. Pour exister la parenté n’a plus besoin d’être référée à une extériorité, à une hétéronomie sur laquelle l’homme n’a pas prise, qu’il s’agisse de l’appeler « nature », Dieu ou « ordre symbolique ».
Les NTR exercent un effet ambivalent sur le modèle de parenté euraméricain qu’illustrent mes recherches qui portent le recours aux NTR dans leur état actuel (recours aux CECOS et aux banques commerciales de sperme, FIVD) et dans un avenir prévisible (édition du génome germinal, utérus artificiel, gamétogenèse in vitro).
Par exemple, les recherches menées en collaboration avec Mérylis Darius portant sur l’accès à la parenté de familles homoparentales féminines (FHF) avec enfant né de la volonté du couple, montrent que
les FHF ne bouleversent pas les principes de base du modèle de parenté euraméricain mais les réinterprètent en créant un nouvel idiome relationnel destiné à faire exister et reconnaître une double maternité. En France les FHF recourant à la PMA avec don de sperme à l’étranger, soucieuses d’apparaître comme de « vraies » familles, poursuivent un objectif de normalisation. Estimant que l’alliance conditionne la bilatéralité de la filiation, elles se détournent des services de design biogénétique proposés par le marché de la reproduction.
– Sociologie politique de la parenté.
Mes travaux portent sur la « mise en délibération » des normes de parenté dans une société française marquée par la pluralisation des « modèles de parenté ». La question centrale est celle du statut des normes de parenté et l’étude des modalités concrètes de leur mise en délibération.
Que l’on considère que la discussion publique doive porter uniquement sur le "juste" ou que l’on estime qu’elle doive aussi traiter du "bien", les chances de parvenir à un accord collectif qui ait une solide validité morale sont objectivement réduites. Ce constat interroge la neutralité axiologique dont se revendique le droit de la famille dans une perspective libérale et oblige à préciser ce qu’il est possible d’attendre d’une délibération publique des normes de parenté.
Il s’agit aussi de se demander ce qu’il faut attendre d’une possible "contractualisation" de la parenté, parfois présentée comme une solution pragmatique dans une société marquée par le pluralisme des modèles de parenté.
– Génomique, capital génétique et parenté.
Dans une séquence historique marquée par la pluralisation des « modèles de parenté », la propension sociale à définir la parenté en termes génétiques s’est-elle accrue ? Mes recherches font l’hypothèse que les réalités scientifiques, technologiques et économiques liées au développement de la génétique exercent une forte influence sur la perception du lien de parenté.
Sont explorés divers aspects de cette influence : le commerce du sperme et plus largement de la reproduction humaine, celui des tests prédictifs et généalogiques, l’essor de la bio-informatique des données génétiques, le rôle de l’expertise génétique en droit de la filiation. Les conclusions attestent d’une tendance réelle mais non exclusive à la « génétisation » de la parenté qui, à terme, pourrait avoir pour effet de dissocier « procréation » (assistée techniquement) et « reproduction » (parenté intentionnelle), et conforte d’ores et déjà une vision individualiste et libérale de la société.
Un volet complémentaire de la recherche porte sur les discours bioéthiques récents en rapport avec les NTR, en particulier le courant de l’eugénisme libéral, à travers les écrits d’une de ses figures de proue, le philosophe Julian Savulescu. Ses écrits prônent la mise en œuvre à grande échelle d’un choix reproductif anténatal (au moyen de la sélection embryonnaire ou de l’édition du génome germinal) destiné à maximiser les chances d’avoir "le meilleur enfant promis à la meilleure vie". Cet utilitarisme procréatif conçu comme la mise en œuvre d’une décision privée des familles n’est pas sans rejoindre sur certains points les positions de l’eugénisme historique.
Cet argumentaire se rapproche du discours marketing des principaux acteurs du marché reproductif international, renforçant une tendance déjà avérée qui conçoit la reproduction humaine comme un capital biogénétique à gérer au mieux.
On peut donc faire l’hypothèse que la reproduction humaine est le terrain de l’émergence d’un bio-capitalisme, aisément conciliable avec une société devenue pluraliste sur le plan axiologique. Cela a pour effet d’affaiblir la parenté, entendue comme ce qui institue la vie humaine, en la réduisant à un simple rapport de parentalité, bi-générationnel (père-mère / enfants) et potentiellement contractualisable.