Séminaire « Socialisations plurielles »

organisé par l’équipe « Modes, espaces et processus de socialisation »

Date :Vendredi 14 février 2014 de 10h00 à 17h30
Lieu : Salle du conseil de l'IUT Lumière, bâtiment 1
Adresse :

Campus Porte des Alpes

Une des questions posées par l’analyse de la socialisation est celle de l’articulation des différents processus de socialisation auxquels les individus participent, tout au long de leur existence. P. Berger et T. Luckman signalent ainsi comme un problème « fondamental » de la socialisation secondaire qu’elle « présuppose toujours un processus antérieur de socialisation primaire. C’est-à-dire qu’elle doit traiter avec un moi déjà formé et avec un monde déjà intériorisé » (1986, p. 191-192). Le problème à examiner est donc celui de la « consistance entre les intériorisations originales et les nouvelles » (ibid., p. 192).
Le séminaire du MEPS propose précisément de s’intéresser à cette question de la consistance des socialisations plurielles des individus, ou pour le dire autrement aux manières dont se composent les différents processus de socialisation. La pluralité des processus de socialisation renvoie aussi bien à leur succession temporelle (socialisation primaire/secondaire) qu’aux différents mondes sociaux dans lesquels ils se déroulent (socialisation résidentielle/professionnelle/étudiante). L’objectif est d’identifier comment ces processus se déroulent et s’articulent concrètement, s’ils se renforcent les uns les autres, se distinguent ou se contredisent, mais également ce qu’ils produisent. Cette attention aux effets différenciés des processus de socialisation pourrait ainsi contribuer à un questionnement sur les poids respectifs des différentes socialisations.

Programme :
10h-13h :
 Séverine Misset, MCF sociologie à l’université de Nantes, membre du CENS
« Trajectoires scolaires et professionnelles et formes d’ajustement au travail ouvrier : le cas d’ouvriers qualifiés de Peugeot-Citroën »
 Martin Thibault, MCF sociologie à l’université de Limoges, membre du GRESCO
« De jeunes ouvriers au prise avec leur identité ouvrière ou comment panser son identité pour se penser autrement »

14h30-17h30 :
 Julie Pagis, chargée de recherche au CNRS, membre du CERAPS, à Lille
« Evénement et socialisation politique. Les incidences biographiques du militantisme en Mai 68. »
 Camille Peugny, MCF sociologie à Université Paris 8, membre du CRESPPA-CSU
« Socialisation primaire et « resocialisation » : les conséquences politiques de la mobilité sociale »

Contact : Sophie.Denave@univ-lyon2.fr

Programme détaillé :

 Séverine Misset, Maître de conférences en sociologie, membre du CENS
« Trajectoires scolaires et professionnelles et formes d’ajustement au travail ouvrier : le cas d’ouvriers qualifiés de Peugeot-Citroën »
La catégorie des ouvriers qualifiés est composée d’individus aux trajectoires scolaires et professionnelles hétérogènes. Cette segmentation est à mettre directement en lien avec des niveaux d’embauche variables, soit comme « opérateur » (ouvrier non qualifié), soit comme ouvrier qualifié. Pour certains (les moins diplômés et – paradoxalement – les plus diplômés de la catégorie), la position d’ouvrier qualifié relève ainsi d’une trajectoire promotionnelle interne à l’entreprise qui les a fait « sortir du lot », c’est-à-dire échapper à la condition d’opérateur. Pour d’autres, l’embauche directe comme ouvrier qualifié vient couronner un parcours qui les consacre comme une forme d’élite de la filière professionnelle.
Cette intervention se donne alors pour objectif d’analyser les effets de ces trajectoires, en particulier sur le rapport à l’enseignement professionnel et au travail ouvrier des individus rencontrés. Les relectures effectuées a posteriori mettent ainsi en lumière différentes modalités d’ajustement progressif au travail d’ouvrier qualifié.

S. Misset, « Se trouver à sa place comme ouvrier ? L’ajustement progressif au travail d’ouvrier qualifié », Agone, 2011, n°46, p.159-186.
S. Misset, « Proximité professionnelle et distance scolaire. Les jeunes ouvriers qualifiés et leurs trajectoires », Revue française de pédagogie, n°167, avril-mai-juin 2009, p.59-71.

 Martin Thibault, maître de conférence en sociologie à l’université de Limoges.
« De jeunes ouvriers au prise avec leur identité ouvrière ou comment panser son identité pour se penser autrement »
Cette communication vise à donner des éléments permettant de comprendre les trajectoires sociales de jeunes ouvriers dans une grande entreprise publique. En étudiant dans la durée, ces trajectoires, des illusions quant à leur future position dans le public à la découverte de la réalité des conditions de travail, puis du retour d’une certaine condition ouvrière à leurs ajustements à celle-ci, nous essaierons de mettre en valeur la manière dont ces jeunes ouvriers se perçoivent dans l’espace social. Nous verrons notamment qu’ils souhaitent systématiquement apparaître autrement qu’en « ouvrier » et qu’ils marquent une distance vis-à-vis de la génération précédente : celle de leurs parents, comme celle des anciens de l’atelier.
L’attention sera portée en particulier sur les espoirs souvent démesurés de ces jeunes d’appartenir aux classes moyennes - un ensemble indistinct auquel ils pensaient être promis par une scolarisation prolongée - ainsi que sur les pratiques culturelles développées en dehors permettant d’entretenir cette illusion tout en renforçant un éloignement déjà conséquent vis-à-vis du monde de l’atelier.

Martin Thibault, Ouvriers malgré tout, Paris, Raisons d’agir, juin 2013 (préface d’Olivier Schwartz).
Martin Thibault, “Le refus de “l’isine” : les constructions symboliques de la condition ouvrière d’un fils d’OS marocain. La crise de reproduction du monde ouvrier”, Migrations société (revue du CIEMI), n°138, décembre 2011.
Martin Thibault, “Agent RATP plutôt qu’ouvrier, la sécurité ?”, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 175, Seuil, décembre 2008.
Martin Thibault, “Entrer à la RATP : de la mise à distance de sa condition à la réouvriérisation” dans Le salariat à statut. Genèses et cultures, sous la direction de Jean-Noël Retière, Yasmine Siblot et Marie Cartier, Presses Universitaires de Rennes, octobre 2010.

 Julie PAGIS,Chargée de recherche au CNRS, membre du CERAPS, à Lille
« Evénement et socialisation politique. Les incidences biographiques du militantisme en Mai 68. »
À partir d’une enquête menée auprès de cent-soixante-dix familles dans lesquelles l’un des parents – au moins – a participé aux événements de mai-juin 68, cette communication posera la question des effets socialisateurs de l’événement « Mai 68 ». Les travaux sur la formation de générations politiques attribuent aux événements fondateurs une dynamique de déstabilisation (Mannheim). Mais à quel point les différents participants aux événements de mai-juin 68 ont-ils été déstabilisés, et comment rendre compte de l’infléchissement éventuel de leurs trajectoires ? Dans un va-et-vient entre effort d’objectivation (par l’analyse statistique de questionnaires) et effort de compréhension (par le recours aux récits de vie), je tente de dresser un espace social des incidences politiques et professionnelles du militantisme en Mai 68. Les résultats obtenus permettent de montrer que les formes de déstabilisation engendrées par le militantisme en Mai 68 sont socialement et politiquement situées, et de construire une typologie des effets socialisateurs de l’événement « Mai 68 ».

Pagis Julie, « Incidences biographiques du militantisme en Mai 68 », Sociétés contemporaines, 2011/4 n° 84, p. 25-51.
Pagis Julie, « Engagements soixante-huitards sous le regard croisé des statistiques et des récits de vie », Politix, 2011/1 n° 93, p. 93-114.

 Camille PEUGNY, Maître de conférences en sociologie Université Paris 8 et UMR CRESPPA-CSU
« Socialisation primaire et « resocialisation » : les conséquences politiques de la mobilité sociale »
Les conséquences de la mobilité sociale sur le comportement politique des individus « déplacés » ont suscité depuis les années 1920 une littérature sociologique particulièrement abondante. Dans les années 1950 et 1960, les travaux américains mettent notamment en garde contre les conséquences potentiellement néfastes d’un taux trop élevé de mobilité sociale sur l’équilibre politique : en effet, suspendus entre deux identités, les individus mobiles pourraient être conduits à adopter des attitudes politiques extrêmes ou ne s’inscrivant pas dans le cadre démocratique des sociétés de masse.
Dans les années qui suivent, les analyses préfèrent parler d’une « acculturation politique », fruit d’une socialisation primaire dans le groupe social d’origine et d’une « resocialisation » dans le groupe d’accueil.
Cette communication fera le point sur ces débats mais proposera également, à partir des données du Panel Electoral Français, une tentative empirique de mesurer les effets de la mobilité sociale sur les comportements politiques, et plus particulièrement des conséquences de la mobilité sociale descendante.

Camille Peugny (2006), « La mobilité sociale descendante et ses conséquences politiques : recomposition de l’univers de valeurs et préférence partisane », Revue française de sociologie, 47-3, pp. 443-478.
Camille Peugny (2009), Le déclassement, Paris, Grasset.

Publié le 20 janvier 2014