Travailler à l’hôpital en situation de pandémie. Ce que la peur de la contamination au COVID-19 révèle de l’imbrication des sphères privée et professionnelle

Morgane Kuehni, Élise Epiney, Maude Reitz et Soline Blanchard

Article de Morgane Kuehni, Élise Epiney, Maude Reitz et Soline Blanchard in Chroniques du Travail, n° 11, 2021.

L’article s’intéresse aux conditions de travail du personnel d’un hôpital en Suisse romande, sur lesquelles les auteurs ont enquêté pour analyser la manière dont les travailleurs ont perçu et réagi aux risques professionnels. La particularité de ce secteur, hautement sollicité en période de pandémie, repose sur un puissant engagement des travailleurs relevant, pour ces derniers, davantage de l’évidence que de la contrainte.

Cet investissement collectif porté par une relation émotionnelle au travail a d’ailleurs permis de répondre à la fois à l’intensification et la flexibilisation accrues du travail
et aux nouvelles formes de pénibilité induites par la pandémie. Cette mobilisation n’a pas empêché la montée en puissance d’exigences émotionnelles, de sentiments d’impuissance et de perte de maîtrise dans la sphère professionnelle face à la gestion constante de l’incertitude inhérente à la situation de crise. Ces impressions ou ressentis résultent moins de lacunes individuelles que de dérèglements organisationnels liés notamment à l’insuffisance des ressources mobilisables dans la structure.

Par ailleurs, le risque infectieux particulièrement élevé en milieu hospitalier a alimenté la peur des agents de mettre en danger leur santé et celle de leur entourage. Ces craintes de contamination ont conduit les salariés non seulement à consentir des sacrifices dans leur vie personnelle, mais également à développer des stratégies de mise à distance de la peur qui empruntent de registres divers : la minoration des risques, l’équipement individuel de protection en lieu et place de l’organisation, une rigidification des consignes ou une multiplication des opérations censées limiter la diffusion du virus.

D’évidence, si les risques d’exposition infectieuse occupent une place prépondérante dans leurs conditions de travail, ils paraissent indissociables des risques psychosociaux qui participent de l’épuisement du personnel, rendant difficile son investissement durable dans le temps.

En savoir plus : article disponible sur demande auprès de Soline Blanchard