Colloque CMW : « Fœtus et mort-nés : gestion des corps, enregistrement et vécu familial » les 11 et 12 juin 2015

Date :Du 11 juin à 08h30 au 12 juin 2015 à 20h00
Lieu :Petit Auditorium, Musée des Confluences, 86 quai Perrache, 69002 Lyon

Colloque CMW : « Fœtus et mort-nés : gestion des corps, enregistrement et vécu familial » les 11 et 12 juin 2015, au petit auditorium, Musée des Confluences, 86 quai Perrache, 69002 Lyon.

Présentation

Quelle place occupent les fœtus et mort-nés dans l’espace public et au sein des familles ?
Si d’emblée la perte d’un bébé in utero ou à la naissance questionne les rapports familiaux, intergénérationnels et communautaires, leur présence n’est pas sans poser problème. Sont-ils des êtres comme les autres ? Accèdent-ils au statut de personne ? Leurs corps sont-ils pris en charge selon des rituels prescrits ? Ont-ils tout simplement une visibilité ou une reconnaissance sociale au-delà du cercle des proches ?

Afin de répondre à ces interrogations, il est indispensable de s’appuyer sur des travaux situés dans le temps et dans l’espace – les réponses ayant varié en fonction des époques et des aires géographiques. D’où l’intérêt d’inviter à débattre et à échanger, des archéologues, historiens, anthropologues, démographes, sociologues et politistes.

Malgré une diversité de situations que le colloque tentera de repérer, se dégage une hypothèse générale. Pendant des siècles, voire des millénaires, dans un contexte de lutte pour la survie et de forte mortalité, notamment infantile, les sociétés ont conçu des rites appropriés pour ne pas laisser dans l’oubli ces milliers d’enfants morts avant de naître. Archéologues et historiens nous diront comment étaient pris en charge fœtus et mort-nés dans différentes configurations renvoyant à des représentations très spécifiques de ces êtres : dans les sociétés antiques et les sociétés christianisées où le baptême va jouer un rôle clivant, dans les sociétés bouddhistes comme le Japon, où les bébés morts in utero passent par une étape équivalente à celle que connaissent les personnes âgées à leur décès avant de rejoindre le monde sacré des Kami et Bouddhas. Le christianisme, pour sa part, inventera au 12e siècle ce lieu mystérieux du Limbe des enfants pour héberger ces êtres particuliers.
Or, au regard de siècles antérieurs et suite à la transition sanitaire, l’environnement actuel est marqué par une raréfaction de ce type de décès, la réduction de la mortalité infantile ayant été l’une des conquêtes les plus marquantes du 20e siècle, en n’oubliant pas cependant les fausses-couches précoces qui restent nombreuses, les mort-nés dont le nombre et la proportion ont fortement diminué et le cas plus récent des IMG (interruptions médicales de grossesse en lien avec le diagnostic ante natal). La mutation du regard porté sur les « bébés morts » n’est pas sans rapport avec les transformations démographiques et sanitaires ni avec les modifications de la structure familiale. La place octroyée à la naissance et à l’enfant, cet « enfant du désir », fait que l’engendrement, la grossesse et la mise au monde sont de l’ordre du projet, non le fruit du destin. Dans ce contexte, perdre un bébé devient intolérable. Dès lors, la question tend à se déplacer de la réduction de la mortalité infantile (comme problème de santé publique), à l’accompagnement de la mortalité périnatale.

Si de nombreux travaux ont contribué à étudier la mort périnatale, la plupart restent centrés soit sur l’aspect démographique et épidémiologique, soit sur la prise en charge des professionnels en milieu hospitalier et l’accompagnement des familles endeuillées ayant perdu un bébé. Ces contributions relèvent pour la plupart d’une éthique médicale, d’une approche psychologique laquelle fait du deuil l’axe central d’une réflexion ou d’une approche médico-administrative. La gestion des corps, leur enregistrement, comme le vécu familial sont finalement assez peu étudiés. Or, ce sont autant d’indicateurs précis pour identifier les variations, tant des mentalités, que de la prise en charge de ces bébés dans un espace privé, mais aussi institutionnel.
Ce colloque se veut donc iÇnaugural. Plus qu’un bilan des travaux menés ces dernières années, il s’agit plutôt de repérer les recherches en cours, essentiellement à l’échelle européenne mais non sans ouvertures vers d’autres cultures (Japon), dans l’objectif d’initier des programmes communs de travail.
Pour ce faire, trois axes ont été retenus :

La gestion des restes et le trajet des corps

Comment étaient traités les restes de ces corps prématurément ôtés à la vie ? Etaient-ils enterrés, de quelle manière ? Dans l’espace domestique, dans un espace dédié dans le cimetière communautaire ? Étaient-ils incinérés ? Représentés sous la forme d’une statuette, d’une icône et vénérés comme tels ? Que fait-on des corps des fœtus et mort-nés ayant séjourné à l’hôpital ou bien au contraire à domicile ? Comment les autorités municipales et les médecins ont-ils pris en charge ces questions dans le contexte d’une urbanisation et d’une industrialisation croissantes ?

L’enregistrement et l’établissement de statistiques

A partir de quand a-t-on enregistré les fausses-couches, les mort-nés ? Sur quel support (registres, autres modalités) ? Comment les Églises chrétiennes ont-elles géré l’enregistrement des enfants morts sans baptême ? À partir de quand a-t-on commencé à établir des statistiques sur ces catégories particulières ? Plus généralement, quelles sont les évolutions des catégorisations à cet égard ?

Le vécu familial et les trajectoires biographiques des couples

En fin de compte, on ne connaît guère comment étaient vécus par les familles, et d’abord par les mères, ces fausses-couches, ces mort-nés, et plus tard, ces interruptions médicales de grossesses volontaires ? Quels témoignages a-t-on conservé ou recueilli de ces expériences (banalité, traumatisme) ? Quelles conséquences ces expériences occasionnent-elles dans la vie des couples, dans les trajectoires individuelles, dans le regard porté par autrui ? Comment ces expériences sont-elles accompagnées par les professionnels ?

Publié le 6 mai 2015