La créativité des chefs : contextes et mises en oeuvre

Une contribution d’Estelle Bonnet et Daniel Villavicencio

Estelle Bonnet et Daniel Villavicencio ont contribué à l’ouvrage collectif "Le Cuisinier et l’art. Art du cuisinier et cuisine d’artiste (XVIIIe-XXIe siècles)" dirigé par Julia Csergo et Frédérique Desbuissons.

Résumé de l’ouvrage

«  Sommes-nous ouvriers ? Oui. Sommes-nous considérés comme tels par la loi ? Non. Possédons-nous le talent des artistes dans toute l’acception du mot ? Oui. Nous accorde-t-on la considération due aux artistes ? Non. Alors nous ne sommes ni ouvriers ni artistes. Que sommes-nous ?  » Julia Csergo et Frédérique Desbuissons ont rassemblé cuisiniers, artistes, critiques, sociologues, juristes, historiens et historiens de l’art, pour répondre à ces questions soulevées par le grand cuisinier Philéas Gilbert, dès le XIXe siècle. Elles ont articulé leurs réponses autour de trois axes fondamentaux : «  Ce qui fait l’art de la cuisine  », «  Ce qui fait du cuisinier un artiste  », «  Ce que les artistes font de la cuisine  ».

L’idée selon laquelle la cuisine est aussi un art trouve son origine au XVIIIe siècle, avec l’abolition de la hiérarchie des sens et la naissance d’une appréhension du goût comme une catégorie critique à part entière. Au XIXe siècle, nombre d’institutions furent créées, émanant autant des praticiens que des amateurs, suivant l’exemple des académies du XVIe siècle : elles ont érigé le jugement sur la cuisine au statut de jugement esthétique et critique. Ce sont, par exemple, les clubs de gastronomes, l’Almanach des Gourmands de Grimod de la Reynière ou ailleurs, en Allemagne, Carl Friedrich Rumohr, fameux historien et théoricien de l’art, qui tente de penser «  l’esprit de la cuisine  ».

Si le cuisinier peut créer au même titre que l’artiste, l’artiste peut, lui aussi, faire œuvre de cuisinier. Au XXe siècle, la cuisine futuriste est demeurée une expérience marquante. C’est le cas aussi des expérimentations d’un Spoerri. Aujourd’hui des performances sont réalisées autour du repas. Et si la Villa Médicis s’est ouverte aux arts culinaires, on voit également des cuisiniers être inscrits au programme des plus grandes manifestations de l’art contemporain : Ferran Adrià, exemple illustre s’il en fut, invité à la documenta 12, a fait une nouvelle fois trembler les limites entre les catégories.

L’ouvrage aborde également les questions du statut juridique de la création culinaire et explore aussi les modes de transmission, de vie et de travail des cuisiniers. Aujourd’hui, à l’heure où l’art culinaire et les cuisiniers font l’objet de multiples manifestations et événements médiatiques, à l’heure où, après la vogue du eat art, le design, les installations et les performances ont investi le culinaire, la réflexion devait se poursuivre et les dix-neuf contributions réunies dans cet ouvrage se proposent d’ouvrir le champ des études sur la cuisine.

Caractéristiques

Edité par l’INHA, 320 pages, 50 illustrations noir et blanc, ISBN : 979-10-96339-21-1

Biographie

Estelle Bonnet, sociologue et maitresse de conférence à l’Université Lyon 2, et Daniel Villavicencio, sociologue et professeur à la Metropolitan Autonomous University de Mexico sont tous deux membres de l’équipe TIPO du Centre Max Weber.