Recherches en cours

PERISENS : Périnatal, statuts, enregistrements et statistiques. Processus de reconnaissance des enfants sans vie : entre traitements différenciés et inégalités

  • Gaëlle Clavandier
  • Philippe Charrier, sociologue, chargé de recherche contractuel CNRS, CMW
  • Marion Girer, juriste, IFROSS (Lyon 3)
  • Magali Mazuy, démographe, INED, CMW
  • Guillaume Rousset, juriste, IFROSS (Lyon 3)

Convention de recherche Mission recherche Droit et Justice

Subvention Fondation des Services Funéraires Ville de Paris, sous l’égide de la Fondation de France (en cours)

La mort en contexte périnatal est une réalité qui ne relève pas exclusivement de considérations intimes. Elle implique une administration par des collectifs d’acteurs et par les pouvoirs publics, qui se mobilisent et régulent cette question sociale. Depuis une vingtaine d’années, le « deuil » périnatal est devenu une question sensible tant pour les associations de familles, que pour les acteurs professionnels et les pouvoirs publics. Au niveau juridique, l’ensemble des décisions entourant le deuil relèvent de la volonté des « parents », les décisions leur appartenant dans la limite de ce qui leur est permis par les textes. Dans la réalité quotidienne, fœtus et enfants sans vie ne bénéficient pas de façon automatique d’une reconnaissance juridique et sociale. Le projet de recherche PERISENS propose de décrire et d’analyser, sous trois angles, les processus de reconnaissance qui aboutissent à les faire exister – ou non – comme catégorie à part entière, et les variations dans les pratiques. - Tout d’abord, la définition des statuts et catégories juridiques et leurs conséquences en termes de droits attribués seront étudiées. - Ensuite, en parallèle, on observera sur le terrain comment sont enregistrés les enfants sans vie (relais entre les établissements de santé et les services de l’état civil ; démarches conduisant à déclarer ou non un enfant à la suite de l’accouchement ; attribution éventuelle de prénom(s) etc.) en portant une attention particulière à d’éventuels déterminants sociaux qui aboutissent à une reconnaissance parentale au sein de l’espace public. - Enfin, seront analysées les statistiques nationales de « mortinatalité » ainsi que les appareils qui les produisent. L’équipe s’attachera à savoir ce que montrent les chiffres nationaux sur la prise en compte de l’enfant sans vie, s’il existe des variations dans les pratiques, des différences sociales ou territoriales.

L’ensemble des résultats rendra visible les variations possibles dans les pratiques et élargira les connaissances encore peu nombreuses sur cet objet.

  • mots-clés : périnatalité, enfant sans vie, état civil, mortinatalité

Former un couple aujourd’hui. Amour, décisions et inégalités

Convention de recherche CNAF (en cours)

Cette recherche s’attache à étudier la formation conjugale de jeunes couples (moins de 36 ans et moins de 6 ans de vie de couple) dans le cadre d’une recherche qualitative (41 individus interviewés correspondant à 29 couples).
Dans un contexte marqué par la transformation des modalités de la rencontre amoureuse (les supports pour rencontrer quelqu’un sont infinis) et le fait que les hommes et les femmes ont connu de précédentes relations affectives et sexuelles avant la mise en couple, comment les individus choisissent-ils la personne avec laquelle ils vivent ? Afin de répondre à cette question, l’enquête interroge la question du sentiment amoureux et le met en perspective avec les autres « ingrédients » qui peuvent intervenir et expliquer la formation du couple lors de ses quatre étapes (la rencontre, le début de la relation, le sentiment de faire couple, l’installation dans un logement commun).

Mots-clés : formation conjugale, jeunes adultes, amour, contextes

Sociologie politique de la parenté (depuis 2015 )

Les travaux engagés depuis 2015 portent sur la « mise en délibération » des normes de parenté dans une société française marquée par la pluralisation des « modèles de parenté ». Au centre de la recherche réside la question du statut des normes de parenté et l’étude des modalités concrètes de leur mise en délibération. Sur le premier point, une exploration de la production doctrinale de l’Eglise catholique à l’occasion du Synode sur la famille (2014-2015) et l’analyse de diverses encycliques ayant porté sur la famille depuis Vatican II met en évidence la résistance du modèle de l’indisponibilité de la norme fondé pour partie sur la notion de « loi morale naturelle ». En matière de mariage et de famille, l’Eglise développe avec constance une anthropologie biblique qui renvoie à une vérité morale objective, indisponible à la volonté humaine, car énoncée par le Créateur et conforme à la nature. Si les débats actuels internes au catholicisme portant sur l’éthique familiale, le « principe de gradualité » et ses conséquences pastorales sont vifs, ils ne remettent pas en cause le caractère indisponible de la vérité morale. Le contraste avec les conceptions laïques de la normativité familiale – normes sociales mais aussi juridiques et principes orientant les politiques familiales – est profond et rend plus problématique la mise en délibération des normes de parenté.

Si on considère avec Michaël J. Sandel, contre les visions défendues par J. Habermas comme par J. Rawls – que l’on peut qualifier l’une et l’autre de libérales – que la discussion publique doit porter aussi bien sur le « juste » que sur le « bien », les chances de parvenir à un accord collectif qui ait une solide validité morale sont objectivement réduites. Ce constat interroge la neutralité axiologique dont se revendique le droit de la famille dans une perspective libérale et oblige à préciser ce qu’il est possible d’attendre d’une délibération publique des normes de parenté. Il s’agit alors de voir, sur la base d’une réflexion sur l’épistémologie de la délibération – contours, procédure, contenu, nature des accords produits –, à partir d’exemples récents (le débat en 2012 et 2013 autour de la loi sur le mariage homosexuel ou celui, actuel, sur la « gestation pour autrui »), quelles peuvent en être les modalités concrètes susceptibles de produire un accord rationnellement motivé sur les questions de parenté.

Mots clés : Délibération, droit de la famille, modèles de parenté, normes de justice, normes de parenté, pluralisme.

Les arrangements conjugaux et leurs temporalités

Convention de recherche GIS Genre (en cours)

Nous assistons actuellement à un renouveau des études sur le couple. Pour comprendre comment le couple se transforme à l’épreuve de la vie, de quelle manière la conjugalité a évolué au cours des décennies et ce qu’il en est du rapport de genre, nous proposons de conduire une recherche qui questionne le lien conjugal et amoureux par le biais de la notion d’arrangement. Cette notion permet à la fois de mettre l’accent sur les dynamique conjugales genrées et d’introduire la question des temporalités. Deux corpus d’enquête, l’un longitudinal (le Panel de Caen, déjà constitué), l’autre synchronique comparatif (à mettre en œuvre), permettront d’aborder ces deux perspectives dans le cadre d’un futur projet de recherche. Ces perspectives complémentaires (enquêtes qualitatives, quantitatives, longitudinales et transversales par cohortes) permettront de mieux comprendre comment les logiques conjugales se différencient et évoluent dans le temps biographique et historique.

Mots-clés : arrangements conjugaux, temporalités, dynamiques sociales, genre

Génomique et « génétisation » de la parenté (depuis 2016 )

Jean-Hugues Déchaux

Dans une séquence historique marquée par la pluralisation des « modèles de parenté », la propension sociale à définir la parenté en termes génétiques s’est-elle accrue ? La recherche fait l’hypothèse que les réalités scientifiques, technologiques et économiques liées au développement de la génétique exercent une forte influence sur la perception du lien de parenté. Sont explorés, principalement à partir d’une investigation menée sur le net, divers aspects de cette influence : le commerce du sperme, celui des tests prédictifs et généalogiques, l’essor de la bioinformatique des données génétiques, le rôle de l’expertise génétique en droit de la filiation. Les conclusions provisoires de la recherche attestent d’une tendance réelle mais non exclusive à la « génétisation » de la parenté qui, à terme, pourrait avoir pour effet de dissocier « procréation » (assistée techniquement) et « reproduction » (parenté intentionnelle), et conforte d’ores et déjà une vision individualiste et libérale de la société.

Un volet complémentaire de la recherche porte sur le commerce international du sperme à partir de l’étude de l’offre de services de deux grandes banques danoises (Cryos International et European Sperm Bank) en position de leader sur le marché mondial. Les données résultent du dépouillement pendant 6 mois (janvier à juin 2016) des informations disponibles sur les sites web des deux établissements. Il ressort que la « marchandisation » du sperme n’est pas une opération neutre dans laquelle l’offre commerciale des banques se contenterait de répondre à une demande préexistante. Elle s’accompagne de la promotion d’un ensemble de normes et valeurs associées à la procréation par don de gamètes, qui consiste en une « logique de moindre risque » ayant pour effet de réhabiliter l’eugénisme positif dans une version libérale et marchande, celle d’un choix individuel assisté par la biotechnologie. La sélection biogénétique du donneur sous-tendue par l’idée de l’hérédité des traits personnels est une assurance contre des risques improbables mais aux enjeux considérables : avoir un enfant en bonne santé, doté de traits désirés par ses parents. Cette logique de précaution tient davantage du calcul de probabilité que d’une conviction idéologique. Il n’est pas nécessaire de croire au « tout génétique » pour s’y engager, il suffit simplement de vouloir minimiser les risques.

Un troisième volet, actuellement en cours, porte sur les avancées de la génomique – tests prénataux non invasifs (DPNI), séquençage et édition du génome fœtal et germinal (CRISPR-cas9), transfert mitochondrial (« FIV à trois parents ») – leur progressive mise sur le marché et leur application (actuelle, imminente ou future) à la reproduction humaine. Il s’agira d’interroger l’émergence d’un consumérisme procréatif globalisé auquel répond un eugénisme de marché et ce que cela pourrait impliquer (en termes de « modèles de parenté ») sur la filiation.

Mots clés : ADN, bioéconomie, biotechnologies, génétique, génomique, modèles de parenté, procréation, reproduction humaine.

De la religion en prison (jusqu’en 2016 )

Corinne Rostaing (avec Céline Béraud (Cerrev, Caen) et Claire de Galembert (ISP, Cachan))

Convention Direction de l’AP et Mission Droit et justice

Cette étude, suite à un appel à projets de recherche émis par l’administration pénitentiaire, témoigne des questions croissantes suscitées par les transformations religieuses de la population pénale, une population marquée par la diversité et sensiblement moins sécularisée que la moyenne de la population en France, ce qui pose le problème de l’ajustement entre l’offre cultuelle encore très largement dominée par les cultes historiques et une demande religieuse de plus en plus diversifiée.

La recherche a considéré l’ensemble des religions – et non la focalisation sur l’islam, selon une compréhension extensive du fait religieux qui refuse de spécifier en amont de l’enquête et en surplomb des acteurs ce qu’est le religieux et où il se trouve. La fécondation réciproque entre sociologie religieuse et sociologie carcérale a permis de ne pas se centrer uniquement sur les aumôneries, d’éviter une surdétermination de la variable religieuse et de replacer la religion dans le contexte particulier de la prison.

L’enquête a été menée pendant presque deux ans à la fois « en haut » (en administration centrale, au sommet des appareils religieux, ou autres instances telles que le Bureau Central des Cultes ou le CGLPL ) et « en bas » (dans huit établissements), à l’intérieur et à l’extérieur de la prison, du côté de l’administration pénitentiaire et de celui des institutions religieuses, par entretiens semi-directifs avec des personnes détenues (avec ou sans religion), des aumôniers, des personnels de l’AP (membres de la direction, gradés, personnels de surveillance, CPIP) ou travaillant en prison (psychiatres, médecins, enseignants, formateurs, cuisiniers, contremaîtres...), par observations (principalement de cultes, d’activités de groupes proposés par les aumôniers, de visites en cellule, de réunions, de session de formation d’aumôniers) et une enquête quantitative adressée à l’ensemble des aumôniers des établissements pénitentiaires de France métropolitaine (taux de retour proche de 4 sur 10).

Le rapport remis en 2013 a fait l’objet d’un travail complémentaire de terrain afin de contribuer à une mise à jour juridique (reconnaissance des Témoins de Jéhovah comme culte autorisé en détention) et contextuelle suite aux attentats terroristes en France et l’arrivée de nouveaux acteurs à la DAP. Il a ainsi permis la publication d’un ouvrage qui développe trois axes principaux :

  • Les géométries variables de la laïcité, c’est-à-dire la mise en évidence des spécificités de la laïcité carcérale,
  • La religion dans l’épreuve carcérale soit la place de la religion dans la vie des personnes détenues, à la fois dans ses usages quotidiens mais aussi de replacer la religion dans une perspective plus biographique afin de repérer les éventuelles transformations de ce rapport au moment de l’incarcération et avant leur incarcération, et de montrer par une analyse longitudinale la manière dont le rapport à la religion peut varier selon les différentes phases de la carrière carcérale. Si l’incarcération entraîne une intensification de la conscience et de la pratique religieuse, celle-ci n’est pas constante : l’investissement dans la religion et le sens que lui donne le détenu varie au gré des étapes de la carrière carcérale.
  • Rôle et devenir des aumôniers : On interroge ici les raisons de l’augmentation du nombre d’aumôniers, dont le nombre a doublé au cours des quinze dernières années dans une société laïque et sécularisée, mais aussi les clivages entre aumôneries (entre les tenants du bénévolat et ceux concevant l’activité d’aumônier comme un travail rémunéré, sur une approche universaliste s’adressant à tous les détenus ou une approche plus communautaire) et la question de l’indépendance de ces acteurs par rapport à l’Administration pénitentiaire.

Mots clés : religion, laïcité, prison, détenus, institution